Légitimité (3/3) : Légitimité vs. Imposture : Question de point de vue (et d’espace)
Pour ceux qui ont besoin de réviser... où on revient encore sur le syndrome de l'imposteur et la légitimité ;)
À l’attention de tous les zélé.e.s qui ont lu mes deux premiers posts : Légitime, moi ? (spoiler : oui) et Quand on s'imposte soi même : le syndrome qui en dit long ! Alors la meuf, elle commence par dire qu’elle est allée trouver sa légitimité auprès de son mec pour s’autoriser à écrire sur ce blog, puis elle vous balance que, depuis qu’elle écrit, elle se sent légitime ?! Pas étonnant que vous ayez l’impression de naviguer en plein Sens Dessous Dessus (déjà que Sens Dessus Dessous, c’était le bazar) : entre mes contradictions assumées et les petits concepts balancés, on peut facilement s'égarer. Donc pour tous les adeptes du Patratas !, mais qui comme moi souhaitent retomber sur leurs pattes – je reste une inconditionnelle de l’happy end – je vous propose un bref éclaircissement. N'allez pas me taxer d'incohérente, hein !
Pour récapituler, le point essentiel : la grosse différence entre les notions de « (il)légitimité » et de « syndrome de l’imposteur » réside dans l’espace depuis lequel elles se forment.
Légitimité : une histoire de regard social
La légitimité s’ancre avant tout dans le regard extérieur, c’est-à-dire ce que la société (ou, plus largement, un collectif) considère comme « valide », « juste » ou « admissible ». Comme le souligne toute une sociologie de la domination de Weber[1] à Bourdieu, le pouvoir - ou la capacité à être reconnu comme ayant un droit à agir, parler, décider - résulte de la reconnaissance que les autres accordent à celui qui l’exerce. En clair, sans cette « croyance » partagée et socialement construite, pas de légitimité. Ça explique pourquoi j’ai d’abord cherché, inconsciemment ou non, un « visa » social à travers la présence d’un co-fondateur universitaire. J’avais besoin de cette caution extérieure académique pour légitimer mon droit à m’exprimer en public. Et j’ai beau moi-même refuser tout ce processus de validation qui passe par un diplôme, un label prestigieux ou une position statutaire (cadre, expert, etc.) — ça m'agace, si vous saviez comme ça m'agace ! —, je n’échappe pas complètement à cette mécanique.
M. Weber (1922) sur les formes de la légitimité. Pour une revue sur le concept, voir par ex. https://shs.cairn.info/revue-francaise-de-sociologie-1-2005-4-page-871?lang=fr ↩︎
Le syndrome de l’imposteur : un face-à-face avec soi-même
À l’inverse, le syndrome de l’imposteur, défini comme « une expérience psychologique dans laquelle l’individu doute de ses compétences et nourrit une peur persistante d’être perçu comme un·e “fraudeur·euse” » (American Psychological Association), se joue en huis clos intérieur. C’est un bras de fer de soi avec soi, où l’on se raconte qu’on va être « démasqué » à tout moment, même si les preuves objectives de notre réussite ou de nos compétences sont bien là. C’est ce qui explique pourquoi vous pouvez être super légitime aux yeux de tout le monde (ex. j’étais diplômée d’une excellente école de photo, je recevais des commandes bien payées) et vous sentir malgré tout comme une énorme imposture. Tout se passe dans votre for intérieur, alors même que « l’extérieur » vous a déjà certifié.
Alors, contradiction ?
Eh bien non ! Définis depuis deux espaces distincts, ces deux logiques se superposent souvent : on peut manquer de légitimité extérieure et se coltiner un syndrome de l’imposteur. Jusque là, ça parait logique. Mais, on peut aussi être socialement légitime tout en se sentant imposteur, ou inversement, se sentir pleinement légitime alors que la reconnaissance externe fait encore défaut (C'est l'espace hyper bâtard que j'habite)
Bref, pas de recette magique, mais une petite boussole tout de même :
- Si je me sens bloqué·e par le regard d’autrui (manque d’approbation sociale, hiérarchique, institutionnelle), on est dans le registre de la légitimité.
- Si je suis assailli·e par des doutes persistants (« Suis-je assez compétent·e ? Assez légitime ? »), alors que rien ne le justifie vraiment objectivement, on atterrit plutôt dans le registre du syndrome de l’imposteur.
Et maintenant, si certains se demandent encore comment on peut avoir besoin d’une validation extérieure à un instant t, puis s’en passer complètement à un autre… hop hop hop, on révise ici et on interroge son désir ;) Enfin, ce que je dis vaut ce que ça vaut, car rappelez vous, sans reconnaissance institutionnelle, vous seuls êtes les garants de ma légitimité ;)
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